NADEE
La peinture de Nadée s’inscrit sous le signe des anciennes sagesses. D’une enfance passée auprès de parents architectes qui ont su lui faire partager l’amour du premier des arts, elle a tout gardé. Nadée a ensuite expérimenté la céramique, créant des matières et des motifs qui se retrouvent dans son travail d’aujourd’hui.
De ses acquis, elle a ajouté le ciel, ses voyages et ses rêves.
Les souvenirs de vieilles portes, de murs portant la trace du temps et le reflet de la vie humaine qui s’y est déroulée, de l’héritage de civilisations construites sur l’amour du travail artisanal, parachevant celui de la génération précédente, se lisent sur ses toiles. Elle monte ses grandes toiles carrées aux pigments et à la colle, puis les retravaille à l’huile ou au pastel gras. Les compositions abstraites, faites d’accumulations légères et patientes sont ponctuées de petites touches chamarrées qui révèlent la structure de l’ensemble. Les champs de pierres se transmuent spirituellement en lien avec le ciel. Ce qu’avait expliqué scientifiquement Hubert Reeves dans son ouvrage « Poussières d’étoiles » se retrouve dans tous les anciens rituels. Nadée répand de la poudre d’or sur les pierres, symbole de la lumière pure par excellence et nous ne doutons pas de la portée spirituelle de son oeuvre.
Un sentiment de sérénité se dégage du calme ordonnancement de ses compositions. Des présences humaines, quelques personnages fugitifs, errent parmi les vestiges. On ne sait s’ils apparaissent ou bien s’ils partent dans un ailleurs indécis. Parfois, la peinture est plus pariétale et ces présences interviennent par le truchement de restes d’écriture sous forme d’alignements informels de frises subtilement colorées. Le rose, l’or et le blanc dominent dans une des plus grandes toiles réalisées par l’artiste, l’aboutissement d’un long travail effectué en Inde où Nadée a séjourné il y a quelques années.
De petits tableaux, plus nettement affirmés, les montrent parfois de dos, surgissant d’un monde céleste. Les couleurs de ces petites compositions sont plus denses tout en gardant une recherche subtile d’effets de matières. Poudres et collages se mêlent à la peinture, le pinceau glisse ou accroche, et nous offre une légèreté qui invite au voyage intérieur, quintessence des grandes compositions.
Virginie Duval, juin 2018
La peinture de Nadée capte les traces fraîches d'un exil ancien qui serait proche de la mythique Babylone. La verticalité est une des constantes de ses compositions étagées, essentiellement minérales, où se pressent d'étranges cortèges de silhouettes longilignes et cunéiformes. Ces veilleurs anonymes du dehors procèdent de la même minéralité, des mêmes textures que la terre dont ils sont issus, que les parois entre lesquelles ils déambulent.
Les constructions savamment agencées se libèrent par l'utilisation de matériaux inattendus comme des pigments précieux recueillis en Inde, des encres, des peintures métalliques, un pan apparent de toile crue.
La vie propre de ces éléments est orchestrée par le vibrato des glacis blancs, brume ténue ou éclat éblouissant, reflet de la luminosité des ciels invisibles, dont l'ascendance est intrinsèquement porteuse d'un souffle de spiritualité.
Valérie Baroun, février 2008
Au premier regard, l’harmonieuse élégance de la touche semi-figurative des toiles de Nadée séduit et apaise. L’équilibre de la composition est telle qu’elle parait aller de soi, comme si l’artiste, médiatrice ou simple interprète de son œuvre, laissait avec douceur s’installer un ordre esthétique naturel, jusqu’à la plénitude.
Car l’œuvre actuelle de Nadée, parvenue à un idéal point d’harmonie, de force et d’équilibre, est le fruit du long cheminement d’une passionnée d’art depuis son plus jeune âge, nourrie d’émotions esthétiques et spirituelles, de Fra Angelico à Paul Klee, de Nicolas de Staël à Gustav Klimt. Cà et là, presque à son insu, en ressurgissent les ombres tutélaires et parfois paradoxales, dans l’attrait pour les ornements précieux et Byzance, ou au contraire, pour l’épure et l’abstraction.
Pour y avoir vécu, Nadée aime les architectures babéliennes et immaculées des villes et villages d’Afrique du Nord, tranchant avec bonheur sur l’azur et le sable, hommes, femmes, enfants se pressant dans les ruelles sous le soleil.
Pourtant, nul orientalisme « folklorique », pas plus que de palette de rouges, orangés et cuivrés voluptueux, telle qu’on pourrait en attendre de ce thème d’inspiration.
L’art de Nadée est ailleurs…Dans les souvenirs abstraits, sensations davantage qu’images, de ces cités d’Orient baignées d’une lumière si particulière qu’on les surnomme « La Blanche »… Dans la sensualité sans apprêt de ses toiles sans cadre ni vernis, fragiles et fortes, éminemment présentes, en un mot.
L’utilisation de toile de lin ou de jute, au lieu de la traditionnelle toile sur châssis, renforce l’aspect brut, naturel et pur de son travail.
Pureté : un mot qui revient souvent sitôt que l’on songe à formuler quelques mots sur le travail de Nadée. Pureté dans la simplicité des matériaux organiques, pigments minéraux ou végétaux, ou dans la rareté de la poudre d’or qu’elle utilise parfois. Pureté élégante de la palette, dans ces admirables camaïeux de gris, de sables et de bleu ponctués de blancs éclatants.
Pureté, enfin, des intentions de l’artiste qui exprime au travers de cette oeuvre à l’humanisme serein, une bienveillance à l’égard du genre humain suffisamment rare et authentique pour ne pas être soulignée. Car il ne faut guère observer longtemps l’œuvre de Nadée pour y déceler la sensibilité et la délicatesse de l’artiste.
Sa sensibilité esthétique, certes, saute aux yeux. Mais au-delà, on devine une sorte d’intuition métaphysique de ce qu’est la présence humaine, une empathie profonde pour la condition humaine face à ces infinis espaces qui nous effraient toujours.
Nadée, elle, aime cette vastitude de l’univers, ces ciels sans fin, ces mers sans horizons, ces déserts sans frontières, qu’elle conçoit comme inépuisables source de liberté davantage que comme motif d’angoisse.
Liberté sans entraves, liberté de tous les possibles, pour explorer, chercher, creuser sans cesse en notre intime nature comme en celle du monde. Car la peinture, dit Nadée, n’est pas « un monologue », elle est « pour-autrui », comme disent les philosophes, bien autant que « pour soi ». La peinture comme lieu commun du partage, du dialogue ? Pour Nadée, elle semble plus exactement, et avec justesse, sortie de soi et rencontre des solitudes.
De cette solitude marquant « l’évènement même d’être » (Emmanuel Lévinas), Nadée parle avec pudeur et tendresse. Car si les personnages qu’elle représente sont souvent réduits à de fugitives silhouettes, elles n’en sont pas moins présentes dans l’indépassable mystère de leur intégrité, de leur intimité, que l’artiste effleure sans jamais céder à la tentation de l’effraction.
Artiste émergente, Nadée a su, en quelques années, développer son art, sa maîtrise et son inspiration, de manière impressionnante. Nul doute que cette artiste, dont le talent n’a d’égal que la sensibilité et l’humilité, est promise à une très brillante carrière.
Marie Deparis, février 2006